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Publié le 22 janvier 2021
Pier-Olivier est biologiste en conservation à la SNAP Québec depuis 2013. Son travail au sein de l’Agence Parcs Canada et de plusieurs ONG au Québec et en Amérique Centrale l’ont mené à s’intéresser à la conservation et aux aires protégées. Il adore le canot, la pêche, la photographie, la musique et les mouches à chevreuil.
Par un froid matin du mois de Septembre dernier, l’idée de rester dans mon sac de couchage était progressivement supplantée par la découverte à chaque tournant des paysages boréaux plus grandioses les uns que les autres.
Ce matin-là, je n’ai pas été déçu quand en sortant de ma tente trempée, j’ai constaté qu’un portrait d’épinettes noires érigées timidement à travers une brume mystique, flottait doucement sur l’eau en mouvement et allait m’accompagner dans les premières heures de la matinée.
C’était la sixième et dernière journée de notre expédition sur la rivière Magpie que je travaille à protéger depuis près d’une dizaine d’années. Vous vous dites sûrement comme moi : il était temps que j’y aille!
Il faut dire que cette rivière– Mutehekau Shipu en Innu – n’est pas la plus facile d’accès au Québec. Située à deux heures à l’est de Sept-Îles, sur le territoire ancestral des Innus de Ekuanitshit, on s’y rend uniquement par hydravion, déposé sur un grand lac de 80 km de longueur. S’ensuit une expédition de 4 à 6 jours en pleine nature sauvage avant de revenir sur la côte.
Ceci étant dit, à part l’aspect du transport, la rivière est somme toute plutôt accessible. Surtout quand on pense que c’est une rivière de renommée internationale pour les sports en eau vive. En effet, j’ai pu la descendre en toute sécurité en rafting sans avoir d’expérience particulière en eau vive. La rivière Magpie est classée parmi les 10 meilleures rivières de rafting par le prestigieux National Geographic et de nombreux autres palmarès. Une étude scientifique a même confirmé cette renommée en regardant la densité et la qualité de ses rapides.
L’expédition d’une vie
J’ai eu la chance d’être invité à la corvée annuelle de l’Association Eaux-Vives Minganie, avec qui nous travaillons depuis plus de dix ans à la protection de la rivière Magpie d’un éventuel développement hydroélectrique.
Pour bien des gens que j’ai rencontré au fil du temps, descendre la rivière Magpie fut une expérience unique et marquante dans leur vie. C’est d’ailleurs ce qui a été mon carburant durant toutes ces années pour la protéger – cet amour que les gens portent pour la rivière, une fois qu’ils ou elles l’ont vue… et vécue.
Je pense entre autres à l’expédition de 2016 “Sur la pointe des pieds” où une quinzaine de jeunes atteints du cancer ont descendu la rivière. Je pense à Valérie qui s’est jointe à nous durant la manifestation devant le siège d’Hydro-Québec et qui a livré un discours poignant. Je pense aux expéditions avec les jeunes Innu pour qui descendre la rivière est une manière de reconnecter avec le Nitassinan.
Je pense à tous ces gens qui m’ont partagé leur amour contagieux de la rivière et que je ne peux pas lister tant ils sont nombreux.ses; et je me dis que maintenant je fais partie de la famille.
Le célèbre explorateur Jean-Yves Cousteau disait : « On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l’on aime. »
Je rêve du jour où nous allons protéger des territoires en mesurant l’amour et l’attachement que les gens portent à ces lieux.
On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l’on aime.
– Jean-Yves Cousteau