Publié le 15 mars 2021
Ancien journaliste et curieux sans frontières, Diego a travaillé en communications et politique environnementale pour plusieurs organisations canadiennes. Petit producteur forestier en Beauce, il aime autant discuter de politique environnementale qu’écouter les gloussements des gélinottes au beau milieu d’une sapinière.
On entend de plus en plus parler des « solutions basées sur la nature », « fondées dans la nature », « naturelles » et autres variations. Elles veulent toutes dire la même chose. Mais peu importe le choix final des mots, nous avons besoin de comprendre exactement ce que sont les solutions nature.
Les solutions nature ont pour but de résoudre ou de mitiger plusieurs problèmes auxquels nous confrontent les changements climatiques : vagues de chaleur, inondations plus fréquentes, détérioration de la qualité de l’air, perte de biodiversité. La définition que nous donne l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est courte et simple :
Cette définition a l’avantage de placer les interactions humaines et le bien–être des collectivités au centre des priorités. Ainsi, les solutions nature ne sont pas seulement des solutions pour la nature, mais plutôt des solutions où le lien d’interdépendance entre la nature et l’humain est rétabli au bénéfice des deux parties. En effet, suivant la vision de l’UICN, « les solutions basées sur la nature sont conçues pour répondre aux principaux défis de nos sociétés, tels que la sécurité alimentaire, le changement climatique, la sécurité de l’eau, la santé humaine, les risques de catastrophe, le développement social et économique. »
Il s’agit pour la plupart de problèmes auxquels nous serons (ou nous sommes déjà) confrontés au Québec.
Dans l’ensemble des solutions nature, un certain nombre servent à s’attaquer avant tout aux bouleversements climatiques. Ce sont les solutions nature pour le climat. On parle ici des efforts de conservation et de restauration des milieux naturels ou des améliorations des pratiques agricoles et forestières qui ont pour but de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’en capter et stocker davantage. Les solutions nature pour le climat reposent essentiellement sur trois types d’actions : la protection des milieux naturels, les bonnes pratiques d’aménagement et la restauration des milieux perturbés.
Dans les faits, éviter les émissions dues à la perte de ces écosystèmes est aussi essentiel que de réduire drastiquement l’utilisation des hydrocarbures. En ce moment, près de 17% des émissions mondiales de GES proviennent de la conversion des terres, de la foresterie et de l’agriculture. Une conservation accrue de la forêt, tout comme un changement de régime forestier et de meilleures pratiques peuvent se traduire dans des diminutions importantes de nos émissions de GES, et dans une augmentation de notre capacité à les capter et à les stocker.
Pour les terres et les activités agricoles, qui en 2006 étaient responsables de 7,5 % des émissions de GES du Québec, de meilleures pratiques peuvent aussi avoir un effet considérable au niveau des émissions.
Une approche gagnante et à moindre coût
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’UICN, qui travaillent de concert, estiment que les actions de conservation de la nature peuvent représenter à eux seuls jusqu’à 37% de l’effort nécessaire pour réduire nos émissions de GES de 55% d’ici 2030.
La réduction inévitable de notre dépendance aux énergies fossiles, à elle seule, n’arrivera pas à livrer l’ensemble des réductions nécessaires. Nous devons alors nous mettre du côté de la nature, et mettre la nature de notre côté, pour aller chercher ce tiers de réduction de GES dans la décennie à venir. On a beaucoup à gagner avec cette approche au Québec : plusieurs scientifiques estiment que la protection de la biodiversité est l’alternative la moins coûteuse et la plus rapide pour lutter contre les changements climatiques.
De plus, nos villes et villages en sortiraient gagnants. Mais à quoi ressemblent les solutions nature pour le climat en milieu urbain ? On peut penser d’abord à la préservation de la biodiversité existante.
Compte tenu de la rareté des milieux naturels en ville, il est nécessaire d’en faire un inventaire, une description fine et une cartographie précise pour bien les connaître. Ces espaces verts devraient être adéquatement protégés dans toute leur diversité afin d’éviter toute dégradation ou disparition.
Ensuite, on peut envisager une amélioration de la gestion des espaces naturels. Une gestion différenciée des espaces verts permettrait de les catégoriser en fonction de leur intérêt esthétique et écologique : ce qui mérite d’être un parc, ce qui mérite d’être une forêt urbaine, ce qui mérite d’être un petit refuge faunique ou une zone de nidification, par exemple. Et pourquoi ne pas laisser certains espaces en friche, sans aucune intervention, pour que la nature fasse son travail toute seule ? La biodiversité y retrouverait tout son potentiel!
Finalement, la création et la restauration d’écosystèmes en milieu urbain fait aussi partie de la solution. Depuis quelques années, on accorde une importance grandissante à la revégétalisation de nos villes. L’exemple le plus connu est certainement celui des saillies de trottoirs, suivi par les toits verts, mais il y en a plein d’autres.
Il y a plusieurs obstacles au déploiement des solutions nature. Le principal, c’est qu’elles ne sont pas encore assez connues ! Quand on parle de la lutte aux changements climatiques on évoque avant tout la diminution drastique de notre consommation d’énergies fossiles. C’est une priorité, et d’aucune manière les solutions nature pour le climat ne doivent servir d’excuse pour ne pas continuer notre sortie accélérée des énergies fossiles. Nous devons travailler dans une vision de complémentarité, et non de substitution.
Dans la décennie que nous entamons, la nature représente un tiers de la solution à la crise climatique qu’on ne pourra pas chercher ailleurs !
Crédits photos : Amal Ben Saad et Gunnar Ridderström (Unsplash), SNAP Québec.